Prévu dans la loi LOM de décembre 2019, le Forfait Mobilités Durables (FMD) est désormais un sujet incontournable pour toutes les sociétés de plus de 50 salariés. Dix-huit mois après son entrée en vigueur, comment les entreprises volontaires s’y sont-elles pris concrètement ? Quels dispositifs ont-elles mis en place et quelles expériences tentent-elles ? Reste-t-il des angles morts et si oui, lesquels ? 

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De quoi parle-t-on ? 

En vigueur depuis mai 2020, le FMD permet aux salariés des employeurs publics et des entreprises privées volontaires de bénéficier d’une indemnité destinée à promouvoir les modes de déplacement doux pour leurs trajets personnels entre le domicile et leur lieu de travail. Si le FMD - qui peut représenter jusqu’à 500 € par an* - reste facultatif dans le privé, les entreprises sont fortement incitées à faciliter les déplacements domicile-travail de leurs équipes en promouvant l’un ou l’autre - ou la totalité - des nouveaux modes de transport quotidiens, plus faciles, moins coûteux et plus propres. Vélos électriques ou mécaniques, covoiturage, engins de déplacement individuel en location ou en libre-service comme les scooters et trottinettes électriques en "free-floating"… À chaque structure volontaire le soin de négocier et de panacher différentes possibilités, cumulables dans une certaine limite** avec la participation de l'employeur à l'abonnement de transport public. 

*et 200€ / an dans le public, voir notre article qui détaille les modalités

 **Pour être exonéré de cotisations sociales, le montant global de la participation employeur ne doit pas dépasser 600 euros par an.

État des lieux

Dispositif encore récent, le FMD s’est qui plus est déployé dans une France touchée par la pandémie, avec l’impact que l'on connaît, impact souvent paradoxal en termes de mobilité : au développement du télétravail, qui a limité les déplacements, répond à l’inverse une forte progression de l’usage du vélo, plébiscité par des actifs désireux de trouver une alternative aux transports en commun. 

Où en est-on ? Pour mesurer l’effet du dispositif, le Ministère en charge des Transports et l’ADEME ont lancé avec le soutien de France Mobilités une enquête au printemps 2021, un an après l’entrée en vigueur du dispositif. Piloté par Via ID et Ekodev, le Baromètre FMD de 2021 a permis de dresser un premier bilan du déploiement du FMD, comme l'explique Léa Degardin, responsable affaires publiques et développement durable chez Via ID. Créée en 2010 par Mobivia (Norauto, Midas, ATU), l'entreprise accompagne les structures qui souhaitent s’engager dans une démarche de mobilité durable. 

Premier constat : le dispositif a trouvé sa place assez rapidement.

"Sur 1 047 entreprises sondées, 20 % ont déployé le FMD au cours de l’année écoulée et 11 % s’apprêtaient à le faire dans les six mois, résume Léa Degardin. Le plafond moyen est à 400 €, un peu en dessous du plafond légal". 

Deuxième constat : un outil de promotion des mobilités alternatives.

L'examen des motivations des employeurs montre que le FMD reste avant tout conçu comme un levier destiné à limiter la pratique du déplacement individuel en voiture (78 % des entreprises interrogées), mais l’influence des salariés est réelle : 62 % des entreprises interrogées disent avoir déployé le FMD à la demande de leurs équipes. 

Troisième constat : des freins demeurent

Un frein en particulier : la complexité d’un dispositif qui vient s’ajouter à d’autres mesures en vigueur. Seuls 37 % des employeurs interrogés disent n’avoir rencontré aucune difficulté, les autres se heurtant à des questions variées, qui vont du suivi RH à l’intégration de dispositifs déjà existants dans le nouveau système, en passant par la difficulté à trouver le bon système de recueil de preuve : comment s’assurer que les salariés jouent bien le jeu ? 

Stormshield : le pari de la confiance

Faute d’une solution standard pour un dispositif facultatif qui se négocie dans le cadre des NAO, chaque entreprise a dû imaginer sa solution maison. Stormshield, filiale d’Airbus spécialisée dans la cybersécurité, a fait le choix du test grandeur nature et de la souplesse. 

Déployé à titre expérimental pour une durée d’un an depuis le 1er septembre 2021, le dispositif parie sur la simplicité en proposant à ses 300 salariés de choisir chaque mois entre un forfait de 35 €, (plafonné à 420 € par an), ou le maintien d’un format plus familier : le remboursement de 50 % d’un abonnement aux transports en commun. 

À cette volonté d’éprouver un dispositif nouveau s’ajoute le pari de la confiance : plutôt qu’un relevé ou une saisie précise, les collaborateurs n’ont à fournir qu’une simple déclaration sur l’honneur mensuelle. Le mode de transport retenu est précisé, assorti de l’engagement de l’utiliser pour au moins la moitié de leurs trajets.

 

Chez Decathlon, l’atout de l’expérience 

Autre entreprise, autre contexte : Decathlon. L’enseigne, qui avait déjà mis en place l’Indemnité Kilométrique Vélo (IKV), née en 2016 et désormais intégrée au FMD, s’est appuyée sur son vécu pour accentuer une politique de mobilité durable cohérente avec les valeurs qu’elle affiche. 

Le FMD y a été vu comme une opportunité : dépasser le seul usage du vélo pour intégrer d’autres moyens de transport comme la trottinette, le covoiturage, l’autopartage et de façon plus générale, tous les engins de déplacement en location ou en libre-service. Objectif : offrir le plus d’options possibles aux salariés, en s’adaptant au plus grand nombre de situations. 

Pour passer au cran supérieur, Decathlon a choisi de croiser les expertises, avec un groupe de travail qui associe des experts RH et les spécialistes du développement durable, en prenant soin d’impliquer dans la réflexion un juriste et un représentant du service paie, directement impacté par un dispositif qui complique parfois l’édition des feuilles de paye. Le travail a permis d’avancer vite, en anticipant l’entrée en vigueur officielle du FMD : dès octobre 2020, tous les salariés des sites de l’enseigne bénéficient d’un forfait plafonné pour l’instant à 300 € par an - une limite que l’enseigne envisage de dépasser à terme, parmi d’autres pistes en cours d’examen, comme la notion de vélo de fonction. 

 

Access It, Yoozly et Treez Data Management : un dispositif progressif

Access It, Yoozly et Treez Data Management sont des sociétés spécialisées dans les services informatiques et le data management. Toutes trois propriétés du groupe Castelis mais juridiquement indépendantes, les trois structures implantées à Villeneuve d’Ascq, comptent moins de 50 salariés chacune et ne sont donc pas contraintes de se pencher sur la question des Négociations Annuelles Obligatoires. 

Pour autant, la direction a souhaité s’engager sur cette thématique dans ces trois entreprises ou le télétravail occupe pourtant une place importante, en ciblant plus spécifiquement le vélo et le covoiturage. Pour simplifier la tâche des services support, les trois entreprises se sont dotées d’une solution de suivi commune : chaque jour, le collaborateur intéressé par le FMD déclare son trajet et son mode de transport dans une application en interne, développée pour l’occasion. 

En échange, les salariés bénéficient d’une indemnité annuelle calculée par paliers, pour un montant qui peut aller de 100 € (pour 25 jours de déplacements "doux") à 500 € (120 jours) pour les plus assidus. Le dispositif se cumule avec le remboursement des frais de transport en commun, dans le respect de la limite légale de 600 € par an. 

 

Comment améliorer le FMD ? 

La variété des dispositifs évoqués illustre certes le panel de solutions et de dispositifs qui s’offrent aux employeurs et à leurs salariés, mais une certaine complexité peut en rebuter certains.  "Articuler tous les dispositifs peut parfois être laborieux et spécifiquement sur la prise en charge transports en commun vs le FMD". souligne ainsi Marie Tachez, responsable des ressources humaines chez Via ID. Elle-même peut en témoigner, Via ID proposant un FMD aux collaborateurs de ses deux sites, à Paris et à Lille. "C’était une démarche logique au regard de notre raison d’être, mais Via ID proposait déjà une politique de mobilité avant le FMD. Dans un premier temps, il a fallu faire en sorte de ne pas faire perdre aux collaborateurs le bénéfice des accords existants, tout en les laissant profiter des possibilités ouvertes par le nouveau dispositif". Petit à petit, Via ID a progressé en abandonnant la saisie des données dans des tableaux Excel pour passer à une solution digitale qui simplifie le quotidien de chacun, à commencer par celui des gestionnaires de paye. 

Si des solutions existent, cette complexité reste un point d’achoppement, comme le souligne Léa Degardin - les plus grandes entreprises n’étant pas les moins concernées : "Le FMD peut se formaliser au moment des Négociations Annuelles Obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés, en dialoguant avec les représentants du personnel. Pour des entreprises qui ont plusieurs sites, c’est une difficulté potentielle dans la mesure où les pratiques, les contraintes et les besoins de déplacement peuvent être très différents d’un lieu à l’autre". De fait, les salariés d’une entreprise située à deux pas des transports en commun en plein centre-ville n’ont pas les mêmes contraintes que leurs collègues d’un site de production en pleine zone industrielle… D’où l’importance d’une étape fondamentale à la mise en place du FMD, souligne Marie Tachez : la concertation auprès des collaborateurs. "Partir de la réalité de l’entreprise et des besoins des collaborateurs est indispensable pour comprendre comment ils se déplacent aujourd’hui et comment ils pourraient se déplacer demain avec la mise en place du FMD. Pousser l’utilisation du vélo dans une entreprise dont le site est isolé ou difficile d’accès n’a pas forcément de sens. Mieux vaut privilégier un effort en faveur des transports en commun ou du covoiturage."

Dispositif encore récent, le FMD pourrait bien évoluer en fonction des retours du terrain. La nouvelle édition du baromètre, au printemps prochain, permettra de faire le point après deux ans et d’identifier les attentes des uns et des autres. D’ici là, Via ID a créé avec d’autres entreprises un collectif FMD dont les membres militent pour une évolution du FMD. Parmi les pistes envisagées : fusionner le FMD et le remboursement obligatoire des transports en commun en créant un Budget Mobilités unique. 

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