Voitures électriques : une promesse et ses limites

D’abord produit de luxe, la voiture a pris dans les années 60 une place incontournable qu’elle n’a jamais perdue depuis auprès d’une large part de la population qui continue d’en faire son premier mode de déplacement. Symboliquement associée au rêve et à la liberté en dépit de ses effets environnementaux et sanitaires comme des risques qui lui sont associés, elle a modelé l’urbanisme et les équipements des espaces urbains et périurbains et largement forgé la mobilité de la seconde partie du 20e siècle en Occident, puis dans le monde entier. 

Un temps présentée comme une panacée, capable de faire du véhicule personnel un mode de déplacement « doux » et « vert », la voiture électrique est longtemps restée une utopie. Mais à l’heure où les modèles se multiplient et où le réseau de recharge frémit, de sérieuses interrogations subsistent : au-delà de son mode de propulsion, ne faut-il pas s’interroger sur la place même de la voiture individuelle ? État des lieux et éléments de réponses dans cette série de quatre articles. 

 

 

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Voitures électriques : entreprises et services publics, des acteurs clefs

oli woodman 1346039 unsplash

S’il est encore à peine sensible, le mouvement a quelque chose d’inexorable : partout dans le monde, poussés par l’arsenal de mesures environnementales plus exigeantes, entreprises et services publics ont entamé une transition qui voit les véhicules à moteur thermique être progressivement remplacés par des véhicules électriques (VE). 

Nouvelles normes anti-pollution, hausse de la fiscalité, amendes destinées aux véhicules les plus polluants, péages urbains, restrictions de circulation et zones à faibles émissions, système de vignettes… Partout dans le monde et en particulier dans l’UE, les pouvoirs publics durcissent les conditions de circulation dans l’idée de limiter la pollution issue des gaz d’échappement, en particulier dans les grandes métropoles. Si l’autopartage ou le covoiturage sont autant de pistes explorées par ces différents acteurs, le remplacement progressif du thermique par l’électrique est une solution qui a le vent en poupe du côté des entreprises comme des services publics. La vente de véhicules thermiques, à terme, est même envisagée et débattue en ce moment-même au Parlement français. 

 

Les transports publics à la manœuvre

Et les exemples abondent tout autour de la planète. En Californie, huit ans après avoir envoyé au rancart son dernier autocar diesel, Los Angeles a affiché ses ambitions : convertir l’ensemble de sa flotte de bus à l’électrique d’ici 2030. Alors que la cité des Anges avait déjà fait un pas vers des transports plus responsables en s’équipant de bus roulant au gaz naturel, moins polluants, la Metropolitan Transportation Authority a décidé de passer à la vitesse supérieure en basculant vers l’électrique, quitte à devoir acquérir 2 300 bus pour remplacer les modèles actuellement exploités.

Le mouvement ne concerne pas uniquement l’Amérique du Nord. Dans un rapport récent, l’ONG Transport & Environnement observait que les modèles électriques représentent désormais 9 % des ventes d'autobus en Europe. S’ils n’étaient encore que 1 600 en service dans l’UE l’an passé, le chiffre devrait être aisément multiplié par deux cette année, porté par les commandes d’un nombre croissant de collectivités et de services publics. Hanovre a prévu d’atteindre son objectif de zéro émission en 2022, Amsterdam en 2025… 

En France, des grandes métropoles comme Aix-Marseille-Provence ont commencé à s’équiper progressivement dès 2016. Paris et sa couronne ne sont pas en reste : si 950 des 4700 bus de la RATP sont équipés de moteurs hybrides, 83 sont entièrement électriques et l’opérateur vient de passer une commande ferme pour 200 modèles supplémentaires, assortie d’une option de 600 autres unités. Soit le plus grand appel d'offres européen jamais lancé par Île-de-France Mobilités, pour un montant d’environ 400 millions d'euros… La conséquence entre autres des règles récemment mises en place par les instances de l’UE, qui exige qu’avant 2025, un quart au moins des autobus neufs achetés par des acteurs publics soient propres (dont à motorisation électrique, mais aussi à l’hydrogène ou au gaz naturel), un ratio qui passe à 33 % en 2030, date à laquelle le coût initial des bus électriques devrait être équivalent à ceux qui tournent au diesel, d’après l'ADEME.

Si l’effort est important, reste que c’est la Chine qui bat des records, et de loin. Une ville comme Shenzhen possède déjà 16 000 bus électriques et les constructeurs spécialisés (Ankai, BYD, Foton, Shandong Yixing…), tous localisés en Chine, sont les leaders incontestés du marché mondial, loin devant Volvo, Iveco ou Daimler. Résultat : dans 6 ans, 99 % des bus électriques en circulation rouleront dans l’Empire du Milieu.

 

Le cas de La Poste

Reste qu’en matière de transition vers l’électrique, la France peut se targuer de disposer d’acteurs engagés, à commencer par La Poste. Outre le recours quotidien de ses 70 000 facteurs à un mode doux comme le vélo (dont 22 000 à assistance électrique), l’entreprise publique s’est dotée de la première flotte de véhicules électriques au monde - devant l’allemand Deutsch Post, avec 6 200 Staby - 7 280 camionnettes (des Kangoo pour l’essentiel) et 1 300 quads électriques. Pour limiter ses coûts comme pour s’assurer de disposer de batteries chargées à bloc chaque matin, l’opérateur a équipé 300 de ses principaux sites de bornes de recharge lente. Moins chères à l’achat, elles permettent de limiter l’impact budgétaire de ce choix stratégique que La Poste met largement en avant pour se distinguer de ses concurrents transporteurs. 

Au demeurant, le surcoût global est à relativiser : si les coûts d’exploitation des flottes électriques restent encore supérieurs à celui des flottes thermiques, La Poste a constaté que l’écart se comble progressivement : plus fiables, les VE demandent moins d’entretient et permettent de réduire les taux d’immobilisation, cauchemar des services comptables des entreprises. La bascule n’est plus très loin : alors que la tournée moyenne représente une distance 50 à 60 kilomètres, La Poste a calculé que ses véhicules électriques deviennent plus économiques au-delà de 60 à 70 kilomètres par jour.

Des entreprises en peine transition

Et La Poste est loin d’être la seule entreprise engagée dans une évolution de cette ampleur. Si la part de marché des moteurs thermiques classiques se situe encore autour de 94 % dans les flottes françaises d’entreprise, le mouvement est bien lancé et s’est ainsi traduit par l’immatriculation de 17 000 VE professionnels en 2018, une hausse de 45 % par rapport à 2017. Des grands groupes comme Orange ont donné l’exemple : en avril, l’opérateur a annoncé l’abandon du diesel d’ici 4 ans pour ses 6 500 utilitaires, au profit de motorisations propres. La même tendance est à l’ordre du jour pour ses 12 000 véhicules légers. Le groupe, qui utilise déjà 700 VE, estime pouvoir atteindre le seuil des 30 % de VE d’ici six ans.

Autre signe des temps : le néerlandais LeasePlan, leader mondial du secteur des flottes d’entreprise, a annoncé en fin d’année dernière que 100 % de sa flotte mondiale serait composée de VE d’ici 2025. À peine croyable quand on se rappelle qu’il y a encore 5 ans, 90 % des véhicules d’entreprise tournaient encore au diesel…

 

En chiffres

  • Au premier trimestre 2019, les immatriculations de véhicules d’entreprise électriques ont progressé de 36,7 % en France. Au niveau global, le seuil des 2 % de VE dans l’ensemble des  flottes professionnelles a été franchi en 2018.
  • En Europe, 44 % des entreprises ont déjà ou souhaiteraient mettre à leur disposition de leurs salariés des véhicules à énergies alternatives (CSA/Observatoire du véhicule d’entreprise, 2018
  • La moitié des dirigeants de PME estiment que leur flotte de véhicules sera entièrement électrique d’ici 10 ans.

 

Pour aller plus loin : 

  • Consultez la Bonne Pratique du groupe La Poste sur l'écoconduite 
  • Consultez la fiche Bonne Pratique du CNPE d'EDF à Gravelines sur la mobilité zéro carbone
  • La Loi de Transition Energétique de 2015 (article 9) imposait déjà une part de véhicules "propres" dans le renouvellement des flottes de certains établissements (infos ici)

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