Faire que chaque conducteur soit conscient que la manière dont il se comporte au volant joue sur sa consommation, donc sur son empreinte environnementale : c’est tout le pari de l’écoconduite, dont les vertus ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Entre bons réflexes et conduite plus apaisée, elle touche aussi à des questions de sécurité routière… et de pouvoir d’achat, dans une période où les prix des carburants ne cessent de flamber. De quoi intéresser tous les conducteurs, professionnels compris.

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Premiers émetteurs de gaz à effet de serre en France et deuxièmes dans l’UE, les transports - tous confondus - sont responsables de 26 % des émissions de dioxyde de carbone en Europe, derrière l’agriculture (39 %) mais devant l’habitat (19 %) et l’industrie (16 %). Et c’est bien la route qui reste en tête des modes de transports les plus polluants, avec 92 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur. Et pour cause : 

  • 80 % des déplacements de personnes se font en voiture, contre 10 % en train et 5,5 % en avion
  • Dans le domaine des transports, les véhicules particuliers génèrent plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) 
  • Les trois quarts de ces émissions correspondent à des trajets de moins de 100 kilomètres
  • Les véhicules utilitaires légers représentent 17 % des émissions, les poids-lourds 26 % et les deux-roues 0,7 %.

Modernisation du parc automobile, développement des transports collectifs, écomobilité, covoiturage, développement de l’électrique… Alors que la France s’est fixée comme objectif de réduire de 20 % d’ici à 2030 ses émissions de GES liées aux transports, chaque effort compte. Mais, en plus de pouvoir challenger leur réel besoin d’utiliser la voiture pour chaque déplacement, les automobilistes, par leur comportement et leur style de conduite, ont également un rôle à jouer pour réduire leur consommation de carburant en passant à l’écoconduite. 

Solution simple, performante et efficace, relativement facile à adopter à titre individuel, elle englobe une série de bonnes pratiques qui peuvent se décliner pour tous les usages et pour tous les types de véhicules : voitures particulières, deux-roues motorisés, transports collectifs, véhicules de chantier, trains, bennes à ordures… À chaque fois, il s’agit d’optimiser l’usage du véhicule tout en insistant sur l’effet de mauvaises habitudes ou d’idées reçues qui, avec l’évolution technique des motorisations, n’ont plus nécessairement de pertinence. 

Les professionnels, premiers concernés

Largement pratiquée dans certains pays de l’UE (l’écoconduite est par exemple intégrée à la formation au permis de conduite dans les pays scandinaves) la pratique fait petit à petit tache d’huile en France et les formations se multiplient, à l’exemple des stages proposés dans toute la région par l’école de conduite française (ECF), dont le siège régional est à Isques (62), organise des stages d’écoconduite partout dans la région. Les professionnels des Hauts-de-France ne sont évidemment pas en reste, d’autant que la situation internationale les confronte à une véritable explosion de leurs coûts de fonctionnement. David Bray, vice-président de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) et dirigeant des Transports Bray, fort d’une flotte de 120 camions, rappelait ainsi récemment dans les colonnes de la Voix du Nord que le prix du gasoil avait progressé de 65 % en un an. Certes bienvenue, l’aide gouvernementale de 1 300 euros par camion ne peut pas tout compenser : elle représente l’équivalent d’un seul plein.

L’écoconduite apparaît dès lors comme un moyen de limiter la consommation en formant les chauffeurs, explique Laurent Depret, responsable QHSE de l’entreprise, implantée à Méricourt. "Le développement durable est à la base de notre stratégie depuis 2008 ", explique-t-il. Avec 180 salariés dont 140 conducteurs - bientôt 160 - l’entreprise a fait de l’écoconduite son cheval de bataille, sur fond d’augmentation des prix du carburant. Avec des résultats non négligeables : alors que la moyenne de la consommation tournait autour de 34 litres pour 100 kilomètres voici dix ans, l’entreprise est en passe de descendre sous la barre des 27 litres, un résultat qui ne doit rien au hasard : suivi hebdomadaire, formation... et primes : "nous avons mis en place un challenge pour motiver nos chauffeurs, à travers un système attractif et équitable. Un camion qui fait mille kilomètres sur l’autoroute ne roule pas dans les mêmes conditions que celui qui multiplie les livraisons dans une grande agglomération, avec une consommation forcément supérieure. Nous prenons en compte les spécificités de chacun pour construire un juste système". Autre atout : la présence en interne d’un responsable des formateurs au profil particulier : "il s’agit d’un ancien conducteur. Nous l’avons fait évoluer en sachant que ses dix-huit ans d’expérience au volant d’un poids lourds lui donnent toute la crédibilité nécessaire auprès de ses collègues". Aujourd’hui, il forme tous les nouveaux arrivants recrutés par l’entreprise, là encore avec des résultats qui dépassent le seul enjeu environnemental ou économique, une conduite plus apaisée contribuant à l’amélioration de la qualité de vie au travail.  

 

Répondre aux contraintes de mobilité : le cas du Parc Régional Naturel de l’Avesnois

Au-delà des professionnels, chaque particulier peut évidemment jouer un rôle au niveau individuel, d’autant que la voiture reste un moyen de transport indispensable pour bien des ménages, en particulier dans les zones rurales. C’est sur la base de ce constat que le Parc Naturel Régional de l’Avesnois s’est mobilisé autour de la question de l’écoconduite – une démarche qui pourrait a priori sembler surprenante pour un acteur public comme le Parc, qui n’est pas directement compétent en matière de mobilité, mais qui n’est pas unique. D’autres s’intéressent à cette manière de concilier enjeux écologiques d’une part, contraintes de déplacement d’autre part, comme le Parc naturel des Grandes Causses, qui multiplie les opérations de sensibilisation avec le soutien des communautés de communes locales. Mais la démarche engagée dans le parc situé au sud du département du Nord se distingue. Plus avancée et plus ancienne, elle parie sur la mise en place d’une sorte de cercle vertueux, expliquent Christophe Legroux, et Fabio Sanfilippo, respectivement responsable du pôle écocitoyenneté et chargé de mission écomobilité : "dans un territoire comme le nôtre, 80 % des déplacements se font en voiture, souvent parce qu’il n’y a pas d’alternative. La pire des choses serait de culpabiliser les conducteurs. Nous avons préféré parier sur un axe différent : prendre ces contraintes en compte et tenter de réduire leur impact ". 

Pragmatique, l’approche du Parc s’est d’abord traduite par un test grandeur nature en 2018-2019, « My Anor, my mobility » mené auprès d’une cinquantaine de conducteurs volontaires qui ont tous accepté d’installer un boîtier connecté WeNow dans leur véhicule. Objectif : mesurer l’effet de l’écoconduite sur leur consommation de carburant à partir des données disponibles d’une part (quantité de carburant consommée, CO2 émis), des conseils de coaching proposés par l’application d’autre part. 800 000 kilomètres plus tard, les résultats se sont révélés plus que probants : 17 tonnes de CO2 évités et 13 % de carburant en moins. 

Fort de ce constat, le Parc est bien décidé à passer désormais à la vitesse supérieure avec un second projet soutenu par l’Etat dans le cadre de France Relance, la Région Hauts-de-France, le Département du Nord et l’Ademe HDF autour d’un groupement d’acteurs régionaux (Xee, Tribu, Idéine, Réseau Alliances) : COmieux. Si la pandémie a un temps ralenti l’initiative, les équipes se tournent désormais vers les employeurs - collectivités et entreprises - du territoire, invitées à proposer au total mille boitiers Xee à leurs collaborateurs, en prenant un temps à leur charge une partie des coûts. "Chaque boîtier coûte huit euros par mois, explique Christophe Legroux. Quatre euros sont destinés à couvrir les frais de gestion et quatre euros permettent de financer l’équivalent d’un fonds de compensation carbone". La somme, qui s’élèvera à 48 000 euros environ, sera affectée à une série de mesures variées, qui vont de l’achat d’arbres fruitiers plantés sur le territoire à l’acquisition de bons d’achats locaux remis aux éco-conducteurs en guise de "récompense" dans une logique assumée de ludification : "jouer, c’est être acteur". Pragmatique, l’approche du Parc se veut aussi favorable au pouvoir d’achat : "chaque conducteur n’est pas livré à lui-même, mais accompagné à travers un coaching qui l’aide à faire évoluer ses comportements tout en lui permettant de s’y retrouver en termes de pouvoir d’achat. Et pas seulement grâce aux économies de carburant. L’idée est de construire une sorte d’écosystème vertueux avec différents acteurs du territoire, par exemple pour leur proposer un accès gratuit ou à coût réduit à des structures culturelles ou à des événements programmés dans la région : scènes nationales, musées…" Quant aux entreprises, elles y trouvent leur intérêt, assure Christophe Legroux. "Leur mobilisation a certes un coût. Mais au-delà de l’impact de cet engagement en termes d’image de marque, toutes les structures participantes seront accompagnées par Réseau Alliances dans la construction de leur plan de mobilité employeur"

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En chiffres

Rouler dans un véhicule mal entretenu peut entraîner une surconsommation de carburant pouvant aller jusqu’à 25 %.

Un conducteur de véhicule particulier peut potentiellement réduire sa consommation de l’ordre de 7 à 10 % (ADEME). 

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