La multiplication des spots publicitaires ne trompe pas : la gamme de véhicules électriques (VE) disponible ne cesse de s’étoffer. Au-delà du marché des particuliers, entreprises et services publics ont déjà commencé à faire évoluer leurs flottes.  

Système de vignettes, péages urbains, restrictions de circulation… Partout dans le monde, les pouvoirs publics cherchent à répondre aux enjeux environnementaux en limitant la pollution issue des gaz d’échappement, en particulier dans les grandes métropoles. Au cœur des enjeux, les flottes de véhicules utilisées chaque jour par les entreprises et les services publics.

En Europe et en France, les pouvoirs publics cherchent à donner l’exemple en jouant sur de puissants leviers comme les transports en commun. Un récent rapport de l’ONG Transport & Environnement relevait ainsi que les bus électriques représentent désormais 9 % des ventes en Europe. S’ils n’étaient encore que 1 600 en service dans l’UE en 2018, le chiffre devrait être aisément multiplié par deux fin 2020, porté par les commandes publiques. Sans surprise, les villes du nord de l’Europe font figure de pilotes : Hanovre a prévu d’atteindre son objectif de zéro émission en 2022, Amsterdam en 2025… En France, de grandes métropoles comme Aix-Marseille-Provence ont commencé à s’équiper progressivement depuis 2016. Paris et sa couronne ne sont pas en reste : en 2019, la RATP a passé une commande ferme pour 200 bus électriques qui viendront s’ajouter à la centaine déjà en circulation, assortie d’une option pour 600 autres unités.

 

La Poste, poisson-pilote

Du côté des entreprises, la France peut déjà compter des acteurs engagés, à commencer par La Poste. L’entreprise publique, déjà dotée de 22 000 vélos à assistance électrique, s’est équipée de la première flotte de VE au monde devant l’allemand Deutsch Post, avec 6 200 Staby, 7 280 camionnettes (des Kangoo pour l’essentiel) et 1 300 quads électriques. Pour limiter ses coûts comme pour s’assurer de disposer de batteries chargées à bloc chaque matin, l’opérateur a équipé 300 de ses principaux sites de bornes de recharge lente. Moins chères à l’achat, elles permettent de limiter l’impact budgétaire de ce choix stratégique que La Poste met largement en avant pour se distinguer de ses concurrents transporteurs. 

Mais le plus intéressant est peut-être ailleurs. Engagement environnemental à l’origine, la stratégie de La Poste pourrait bien se révéler économiquement rentable. Si ses coûts d’exploitation restent encore supérieurs à ceux d’une flotte classique, La Poste a constaté que l’écart se réduit rapidement. Plus fiables, ses voitures électriques demandent moins d’entretien, ce qui permet de réduire les taux d’immobilisation, cauchemar des services comptables des entreprises. L’entreprise a même calculé le point d’équilibre : au-delà de 60 à 70 kilomètres par jour, ses véhicules électriques deviennent plus économiques que leurs homologues thermiques. Quand on sait que la tournée moyenne s’étend sur 50 à 60 kilomètres… 

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Des entreprises en peine transition

Ce sont sans doute ces perspectives de rentabilité à moyen terme qui expliquent que La Poste soit loin d’être un cas isolé. Si la proportion de moteurs traditionnels classiques tourne encore autour de 94 % dans les flottes françaises d’entreprise, 17 000 véhicules électriques professionnels ont été immatriculés en 2019, soit 45 % de hausse sur un an. D’autres grands groupes comme Orange donnent l’exemple : en avril 2019, l’opérateur a annoncé l’abandon du diesel d’ici 2023 pour ses 6 500 utilitaires, au profit de motorisations propres. La même tendance est à l’ordre du jour pour ses 12 000 véhicules légers. Le groupe, qui possède déjà 700 véhicules électriques, estime pouvoir atteindre le seuil des 30 % de VE d’ici six ans, au gré des remplacements successifs.

 

Ce que dit la LOM

En France, le véritable coup d’accélérateur est d’ordre règlementaire. Depuis la Loi de Transition énergétique de 2015, entreprises et collectivités territoriales étaient déjà tenues de respecter un seuil de  20 % de véhicules à faibles émissions en carbone dans leurs nouveaux achats de flotte à horizon mi-2021. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), qui fêtera sa première année d’existence le 24 décembre 2020, voit plus loin : toutes les flottes automobiles publiques et privées seront amenées à respecter dès 2022 une série de quotas de plus en plus contraignants au fil du temps. Toutes les entreprises sont concernées dès que leur flotte compte plus de 100 véhicules légers (1), avec des quotas évolutifs : 10 % de véhicules à faibles émissions à partir du 1er janvier 2022 (2), 20 % à partir du 1er janvier 2024, 35 % à partir du 1er janvier 2027 et 50 % à partir du 1er janvier 2030, soit dix ans avant la fin programmée de la vente de tout moteur à énergie fossile. 

Seul bémol : aucune sanction pour non-respect de ces obligations n’est pour l’heure prévue, mais les entreprises devront publier chaque année le pourcentage de véhicules à faibles émissions ayant fait l’objet d’un renouvellement, signe que l’État compte sur la pression des clients et des consommateurs pour contraindre le secteur privé à s’engager. 

 

 1.  À deux exceptions près : les professionnels de la location et les exploitants de taxis.

 2.  Sauf pour les véhicules d’un PTAC (poids total utilisé en charge) supérieur ou égal à 2,6 tonnes, autrement dit les utilitaires et les poids-lourds, pour qui la date d’application est fixée au 1er janvier 2023. 

 

Aides en série

Avantages fiscaux, aides à la conversion, bonus… Si la LOM impose une série de mesures contraignantes, l’État entend accompagner la transition des flottes de véhicules par une série de mesures incitatives, destinées à rendre l’investissement moins coûteux. Pour l’achat d’un véhicule électrique léger, les professionnels peuvent bénéficier des aides suivantes :

  • Depuis le 1er juin 2020, les entreprises peuvent bénéficier d’un bonus écologique d’un montant de 6 000 € à l’achat d’un véhicule électrique.
  • Prime à la conversion : elles peuvent également bénéficier depuis cette date d’une prime à la conversion qui peut aller jusqu’à 2 500 €. 
  • Les entreprises qui investissent dans des VE bénéficient également d’une exonération de TVS (taxe sur les véhicules de société).
  • Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu au régime réel peuvent bénéficier d’une déduction fiscale sur l’amortissement de leurs véhicules électriques, à hauteur de 40 % de sa valeur.
  • Si un véhicule électrique est mis à disposition d’un salarié entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022, celui-ci est éligible à un abattement de 50 % (plafonné à 1 800 € par an) pour le calcul de l’avantage en nature.

 

Trajets domicile-travail : comment CGI Finance a divisé le CO2 par deux 

Créé en 1951, CGI Finance est spécialisé dans les solutions de financement, de regroupement de crédits et de recouvrement de créances. En se penchant en 2016 dans le cadre de son Plan de Déplacement de l’Entreprise (PDE) sur les problématiques liées à la mobilité de ses salariés, l’entreprise a constaté que 75% de ceux du siège se rendent à leur travail seuls dans des voitures à moteur thermique, alors que le site est desservi par le tramway et par une piste cyclable sécurisée. La société fait au passage ses calculs : chaque année, les seuls déplacements domicile-travail représentent un volume de 500 tonnes de CO2/an. Son responsable RSE, Loïc Pinchart, explique la suite : « plutôt que de concevoir un plan et de l’imposer d’en haut, nous avons décidé d’aborder le problème avec les salariés, dans le cadre de groupes de travail montés dans l’idée que les solutions de mobilité douce émergent des collaborateurs eux-mêmes. Dix des douze propositions ont été validées par le Comex. » 

Quatre ans plus tard, l’entreprise peut se targuer d’une belle réussite : les émissions de CO2 des trajets domicile-travail ont été divisées par deux ! Un succès qui ne doit rien au hasard, explique le responsable RSE : « ce n’est pas une mesure unique qui nous a permis de progresser mais la conjonction de plusieurs dispositifs classiques, mais complémentaires. » L’incitation au covoiturage d’abord, avec des places de parking réservées devant l’accueil pour les 80 salariés qui ont adopté la pratique. La mise à disposition de 30 vélos à assistance électriques ensuite : vingt ont été réservés, pour une période donnée, aux salariés qui viennent régulièrement au travail à vélo et dix autres sont utilisables en "libre-service". Le développement du télétravail enfin : avant la crise de la Covid-19, 150 salariés pratiquaient déjà une journée de télétravail par semaine. Depuis la rentrée, un salarié sur deux pratique le télétravail par roulement.

Achats groupés de véhicules électriques pour les salariés

Mais la mesure-phare, celle qui a rencontré un succès spectaculaire, est bien l’achat groupé de 80 véhicules électriques destinés à ses salariés. « Nous avons acheté 40 Smart Fortwo et Forfour puis 40 Zoé en Location avec Option d’Achat (LOA), un dispositif qui permet à nos collaborateurs de bénéficier de la prime mobilité », explique Loïc Pinchart. Tout a été fait pour lever les barrières ou les réticences, par exemple en proposant des LOA sans apport, en organisant une journée d’essai ou prenant soin d’équiper le parking de l’entreprise de 40 bornes électriques, installées dans le cadre du programme ADVENIR. Idéal pour recharger sa voiture dans la journée avant de rentrer le soir à son domicile…

« Les 40 Smart ont trouvé preneur en deux semaines, d’où l’achat des 40 Zoé. » En tout, 80 des 800 collaborateurs du siège ont fait le choix d’acheter ou de remplacer leur véhicule en six petits mois, à cheval sur 2019 et 2020… Un succès massif qui appelle sans doute d’autres initiatives, d’autant que la gamme encore réduite de véhicules électriques sur le marché fait que tous les salariés n’ont pas pu trouver de véhicules qui correspond à leurs besoins, notamment pour les grandes familles. L’entreprise reste à l’affût, ses salariés aussi… 

 

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