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- Publication : 12 avril 2019
Voitures électrique : le réseau de recharge se déploie
D’abord produit de luxe, la voiture a pris dans les années 60 une place incontournable qu’elle n’a jamais perdue depuis auprès d’une large part de la population qui continue d’en faire son premier mode de déplacement. Symboliquement associée au rêve et à la liberté en dépit de ses effets environnementaux et sanitaires comme des risques qui lui sont associés, elle a modelé l’urbanisme et les équipements des espaces urbains et périurbains et largement forgé la mobilité de la seconde partie du 20e siècle en Occident, puis dans le monde entier.
Un temps présentée comme une panacée, capable de faire du véhicule personnel un mode de déplacement « doux » et « vert », la voiture électrique est longtemps restée une utopie. Mais à l’heure où les modèles se multiplient et où le réseau de recharge frémit, de sérieuses interrogations subsistent : au-delà de son mode de propulsion, ne faut-il pas s’interroger sur la place même de la voiture individuelle ? État des lieux et éléments de réponses dans cette série de quatre articles.
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Voitures électrique : limites et interrogations
Présentée un peu vite comme la réponse parfaite aux problèmes sanitaires et environnementaux que pose la voiture, la propulsion électrique soulève pourtant deux questions : est-elle si propre ? Et son arrivée doit-elle nous priver de repenser la place de la voiture dans nos espaces et dans nos vies ?
La voiture électrique réduit-elle la pollution ou se contente-t-elle de la déplacer ?
On le sait : les transports sont responsables de 29 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) en France et la route en est largement responsable. Devant les poids lourds (21 %), ce sont les voitures des particuliers (54 %) qui émettent la grande majorité de ces GES, loin devant les avions ou les navires. Face à ce constat, l’abandon progressif des moteurs thermiques pour des moteurs électriques semble une bonne nouvelle : avec l’électrique, plus de carburant fossile, plus de GES, plus de particules fines… Et c’est vrai… à première vue : quand leurs constructeurs promettent une voiture avec zéro émission, il s'agit en réalité d'émissions locales.
Autrement dit, la voiture elle-même ne produit plus de GES mais leur alimentation suppose de produire de l'électricité. Et là, deux hypothèses : soit celle-ci est d'origine renouvelable et peut être en effet qualifiée de propre, soit elle est d’origine fossile ou nucléaire et induit donc des émissions de polluants, qu’il s’agisse de CO2 ou de déchets nucléaires. Autrement dit, on déplace le problème du moteur vers les centrales pour le plus grand bonheur des constructeurs, pas nécessairement de la planète.
Et le problème ne s’arrête pas là : en prenant en compte l’ensemble de la chaîne de production, la voiture électrique n’est guère plus propre à produire et à recycler qu’un véhicule classique. Aujourd'hui majoritairement fabriquées en Asie, les cellules des batteries nécessitent ainsi beaucoup d'électricité lors de leur fabrication, électricité le plus souvent carbonée dans des pays comme la Chine. Le tout sans même prendre en compte le coût environnemental et humain de l’extraction de certaines matières rares qui doivent être intégrés, comme leur raréfaction prévisible… Si la réponse peut passer par la relocalisation - Tesla a par exemple installé sa production dans le Nevada où sa Gigafactory est autosuffisante en électricité grâce à la géothermie et à l’énergie solaire et éolienne – les enjeux ne sont pas minces.
Des taux d’occupation largement améliorables
Au-delà des interrogations qui pèsent encore sur le bilan réel des voitures électriques, la vraie question est de savoir si elles seront aussi vides que leurs équivalents thermiques. En Europe, le taux d’occupation des véhicules (le nombre de passagers à bord d’une voiture en déplacement) est particulièrement bas pour les trajets domicile-travail (1,1 à 1,2 personnes par voiture) et à peine meilleur pour les déplacements familiaux (1,4 à 1,7) ou de loisirs (1,6 à 2). Très loin derrière les taux moyens d'occupation des transports en commun urbains, qui se situent entre 28 et 30% en Europe et offrent une alternative pratique et économiquement compétitive à la voiture – du moins en milieu urbain… Les effets de cette situation sont sensibles sur les routes, de plus en plus congestionnées, et dans les airs. Le développement des réseaux de transports en commun plus efficaces, représente un coût important pour les collectivités et le co-voiturage et l’autopartage restent des alternatives qui peinent encore à changer la donne.
Changer le regard sur la voiture
Longtemps objet de désir, la voiture est largement associée dans la culture populaire à l’idée de liberté et d’évasion, bien aidée par un marketing savamment rodé. Reste que ce regard change, à la fois par la confrontation au réel - embouteillages, difficulté et prix du stationnement, impact de la possession d’un véhicule sur le budget d’un foyer… - et par la montée en puissance des préoccupations environnementales et sanitaires. Celles-ci ont de fait un impact les habitudes de mobilité. D’après l’observatoire des mobilités émergentes de l’ADEME, près de 7 Français sur 10 disent avoir changé de mode de déplacement pour des raisons écologiques. Le rôle de l’école est également important pour impliquer dès le plus jeune âge les enfants aux alternatives à la voiture.
Reste que la sensibilisation et l’éducation ne font pas tout : la remise en question de la voiture ne se fera pas sans le développement de solutions de mobilité alternatives ce qui implique une réflexion globale et une planification territoriale de la mobilité. Autant de sujets au cœur de la future loi LOM…
En chiffres
• Avec 1 078 000 kilomètres de route dont 11 600 kilomètres d’autoroute, la France possède l’un des réseaux routiers les plus denses du monde.
• 32 % des déplacements automobiles concernent des distances inférieures à 2 kilomètres.
• 80% des foyers français sont équipés d'une voiture.
• L'automobile emploie directement et indirectement 50 millions de personnes dans le monde.