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- Publication : 8 décembre 2025
Dans les entreprises, les excuses pour ne pas changer ses habitudes en matière de mobilité ont parfois la vie dure. « Il pleut trop dans cette région », « Je vais perdre du temps », « Je suis mieux dans ma voiture », « Notre entreprise a d’autres priorités… » Lors de la table ronde « Mobilité en entreprise : sortir des excuses, passer à l’action », organisée par Déclic Mobilités au World Forum le 25 novembre dernier, ces phrases ont fait sourire les participants tant elles résonnent au quotidien. Et pourtant, derrière ces freins, un constat encourageant : dès que l’on se met autour d’une table, des pistes d’action concrètes émergent.
Réunis en petits groupes, les participants ont d’abord dressé la liste des obstacles rencontrés dans leurs organisations. Sans surprise, les réalités diffèrent selon que l’on évolue en milieu urbain, périurbain ou rural, mais certains enjeux se retrouvent partout. Parmi eux, la force des habitudes. Le recours quotidien à la voiture individuelle rassure, offre une sensation de maîtrise, voire de liberté. Mais ces routines ne sont pas immuables. « Pour engager un changement durable, il faut oser toucher aux habitudes », résumait le premier groupe. Comment ? En sensibilisant régulièrement, en renforçant l’exemplarité managériale et, parfois, lorsque c’est pertinent, en introduisant des mesures plus contraignantes, comme la réduction des places de stationnement pour encourager les alternatives. « Une décision rarement populaire, à mener avec beaucoup de dialogue mais dont plusieurs organisations ont prouvé l’efficacité.

Le vélo : lever les appréhensions pour encourager la pratique
Le deuxième groupe, dédié à la question du vélo, a mis en évidence deux obstacles principaux : la crainte de perdre du temps et la perception d’un mode de déplacement contraignant. Pourtant, les retours d’expérience montrent combien l’accompagnement transforme les perceptions. Les ateliers de remise en selle, simples à organiser, permettent de lever de nombreuses appréhensions. De même, les simulations de trajets sont souvent révélatrices : « Dans notre entreprise, certains pensaient mettre 40 minutes pour rejoindre leur bureau à vélo. En réalité, ils en mettaient 25. La simulation permet de casser ces fausses représentations ». L’aménagement d’infrastructures adaptées – arceaux vélos, douches, casiers, voire une petite flotte de vélos d’entreprise – facilite un passage à l’action plus naturel. Mathilde Casier, Cheffe de projet Mobilités Durables au sein de Réseau Alliances (et animatrice de la communauté Déclic Mobilités), et qui animait ce temps d’échange, a d’ailleurs rappelé l’utilité du Label Employeur Pro-Vélo, qui aide les structures à se situer, à progresser et à structurer leur démarche dans la durée.

Le covoiturage : transformer l’intention en pratique
Un autre groupe s’est penché sur le covoiturage, souvent plébiscité en théorie mais peu utilisé dans les faits. Les solutions avancées sont pragmatiques : places de parking réservées aux covoitureurs, cartographie interne des trajets, communication régulière, moments conviviaux pour favoriser la mise en relation. « Quand on matérialise des places dédiées, cela confère un avantage visible à ceux qui adoptent une bonne pratique et montre clairement que l’entreprise soutient ce mode de transport », souligne le collectif.
Un cheminement collectif et progressif
Au-delà des freins spécifiques, les groupes ont insisté sur l’importance d’avancer pas à pas : sensibiliser, tester, ajuster, communiquer, ritualiser. « Une démarche de mobilité durable, c’est d’abord une dynamique collective », résume Mathilde Casier. Une vision partagée par Éric Valengin (AG2R La Mondiale) et Julien Castelin (Junia), tous deux venus présenter des démarches engagées et structurées.
AG2R La Mondiale : vingt ans d’avancées concrètes
Chez AG2R La Mondiale, la mobilité durable n’est pas un « sujet de mode ». Elle fait partie de l’histoire de l’entreprise, comme le rappelle Éric Valengin, relais Mobilité. « Au départ, c’était très concret : nous avions un problème de parking et des tensions avec le voisinage. Il fallait trouver des solutions. Puis, petit à petit, le sujet s’est élargi et s’est intégré à nos engagements environnementaux. » Dès 2004, l’entreprise adopte un Plan de Déplacement Entreprise. Premier bilan carbone en 2012, premières expérimentations de covoiturage en 2015, puis déploiement de l’application Karos en 2025 : un chemin construit patiemment. Aujourd’hui, les équipements sont nombreux au sein de l’entreprise : bornes de recharge électrique, 92 places de stationnement vélo, totem de réparation, douches et vestiaires... Les collaborateurs sont régulièrement formés à l’écoconduite, et le télétravail, lancé bien avant la crise sanitaire, est désormais ancré. L’entreprise mise aussi sur la dynamique collective : actions lors de la Semaine du Développement Durable, ateliers découverte, tests de vélos ou de trottinettes… L’obtention récente de la médaille d’argent du Label Employeur Pro-Vélo témoigne des efforts déployés. « Nous avons aujourd’hui une belle communauté de vélotaffeurs », sourit Éric Valengin. « 87 personnes qui se motivent mutuellement, partagent des conseils. C’est devenu une vraie culture interne. »

Junia : la force du collectif et du ludique
Installée en plein cœur de Lille, Junia bénéficie d’un environnement propice : métro, bus, stations V’Lille, pistes cyclables. Mais cela ne suffit pas : « Ce n’est pas parce qu’une offre existe que les gens l’utilisent », rappelle Julien Castelin, responsable de formation et référent mobilités. « Il faut accompagner, expliquer, tester, et surtout donner envie ! ». Depuis dix ans, l’établissement déploie une politique RSE ambitieuse. Pour faire bouger les lignes en matière de mobilité, Junia a misé sur une approche ludique et collective. Depuis plus de dix ans, l’école participe aux challenges, organise des ateliers de réparation, propose des sorties à vélo, forme à la sécurité routière et anime une communauté très active. « On ne sous-estime jamais le pouvoir des récompenses », confie Julien Castelin. « Offrir un vélo lors d’un moment convivial pour la participation à un défi, ça marque les esprits. L’année suivante, tout le monde veut participer ! » La communication joue aussi un rôle clé pour entretenir la motivation. Les infrastructures suivent : mutualisation du parking, flotte de véhicules hybrides et électriques, vélo cargo de service et deux jours de télétravail encadrés. « Pour moi, l’élément essentiel reste le rôle de référent mobilité », insiste Julien. « Les collaborateurs savent qu’ils peuvent venir poser leurs questions. Cela crée un lien et une vraie dynamique interne. »
Et maintenant ? Transformer l’élan en action
À la fin de la session, plusieurs participants confiaient repartir « inspirés », voire « pressés de tester des choses ». Ce n’est pas un hasard : lorsqu’on met à plat les freins et qu’on partage les expériences, on se rend compte que les actions les plus efficaces sont souvent accessibles, légères, progressives. Des établissements comme AG2R La Mondiale ou Junia montrent que l’on peut avancer… pour peu que l’on commence quelque part, et que l’on cultive un élan collectif.
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