S’il trouve de plus en plus sa place dans les médias et dans le débat public, le thème des mobilités reste un enjeu complexe dans l’univers professionnel, quand on sait que 70 % des trajets domicile-travail s'effectuent aujourd'hui en voiture individuelle (Insee). Favoriser la transition des collaborateurs qui le peuvent vers les mobilités douces suppose donc de trouver une porte d’entrée. Par où commencer ? Quelles initiatives privilégier pour amorcer un mouvement de fond ? Comment composer avec les contraintes propres à chaque organisation ? 

À travers l’expérience d’acteurs déjà engagés dans cette transition, Déclic Mobilités propose quelques éléments de réponse, et qui sait, peut-être pour certains, l'inspiration pour faire le premier pas ?

Témoignages

Joséphine Biernacki, Responsable RSE du groupe Damartex

Adrien Fioen, Ingénieur en charge de la RSE à l’Institut Catholique de Lille

Alain Belfer, Directeur de la Mission locale du Douaisis

 

 1 | Trouver la porte d’entrée 

Pour le groupe Damartex basé à Roubaix, le sujet s’est imposé à l’occasion d’une réorganisation de l’entreprise. "L’arrivée de différents services sur un même site a mis en évidence un manque de places de parking, véritable élément déclencheur de notre réflexion" se souvient Joséphine Biernacki, Responsable RSE du groupe. 

Pour d’autres, le constat relève parfois de l’évidence, explique Adrien Foen, Ingénieur en charge de la RSE à l’Institut Catholique de Lille : "Le campus est situé en centre-ville, avec tous les problèmes d’accessibilité de stationnement que cela implique. La problématique est connue depuis longtemps, mais le lancement d’un plan de déplacement universitaire en 2005 a permis de le mettre en évidence et de l’objectiver. L’enquête sur les déplacements et l’étude de notre bilan carbone ont montré que 70 % des émissions de carbone du campus étaient liées aux transports, et que 70 % de nos salariés se rendaient sur leur lieu de travail en voiture individuelle. Proposer des alternatives était d’autant plus urgent que le quartier Vauban est notoirement saturé par la circulation, avec toutes les questions de stationnement qui en découlent."

 Pourquoi ne pas…

- saisir l'opportunité d'une réorganisation pour mettre en évidence des problématiques.

- réaliser une enquête pour objectiver des difficultés ressenties.

 

 2 | Impliquer le collectif

Impliquer le collectif est une étape essentielle quand se lance dans une démarche de mobilité, comme l’explique Adrien Fioen. "La Catho compte 4 000 salariés et 32 000 étudiants, dont 6 000 nouveaux chaque année. Fermer des places de parkings et installer des arceaux à vélo ne suffit pas pour obtenir leur l’adhésion. Il faut convaincre ceux qui le peuvent et ceux qui le veulent de s’impliquer en faisant évoluer leurs pratiques, en individualisant les conseils. Nous nous appuyons pour cela sur un petit groupe d’ambassadeurs mobilité, avec qui nous réfléchissons pour connaître les besoins, les contraintes et les difficultés propres à chacun. Sans cette étape, le risque serait d’imposer une action déconnectée des réalités". Un point de vue partagé par Joséphine Biernacki : "Une bonne partie de nos collaboratrices sont des jeunes mamans pour qui la voiture n’est pas un choix mais une nécessité. Plutôt que de lutter pour convaincre ceux pour qui le pas est trop grand, nous préférons capitaliser sur les terreaux fertiles auprès des salariés pour lesquels il n’existe pas de frein majeur."

 Pourquoi ne pas…

- mettre en place un groupe d’ambassadeurs mobilité pour aller à la rencontre des usagers et mieux connaître leurs besoins/freins.

- s'adresser plus particulièrement aux collaborateurs pour lesquels le changement s'avère moins contraignant.

 

 3 | S’appuyer sur des temps forts

Alain Belfer, directeur de la Mission locale du Douaisis, s’est de son côté appuyé dès 2021 sur le Challenge de la Mobilité Hauts-de-France, pour aborder la question des mobilités avec ses 90 salariés. L’utilité de ce type de Challenge n’est d’ailleurs pas à démontrer, considère Joséphine Biernacki : "Les premières mesures mises en place nous ont permis de remporter le prix coup de cœur du jury, ce qui a fait un peu de bruit en interne. Cette récompense a démontré que ce type de mobilisation peut être reconnue et mise en valeur. C'était aussi un moyen d'installer la thématique au sein de l'entreprise. Nous avons d’ailleurs décliné le principe du challenge en interne en impliquant tous les salariés de notre réseau de magasins (Damart) dans une série de défis centrés sur les mobilités douces".

Déjà impliquée dans les grands dispositifs ou événements nationaux comme la Semaine de la Mobilité, l’Université Catholique de Lille a aussi déployé ses propres initiatives, parfois ludiques : "au moment de l’inauguration du Rizomm en 2019, nous nous sommes appuyés sur les caractéristiques de ce bâtiment de cinq étages pour lancer un petit concours. Nous avons incité les personnes à éviter de prendre les ascenseurs pendant deux mois et à consigner le nombre d’étages gravis à la place. À l'issue de ces deux mois, nous avons converti ce chiffre brut en un équivalent parlant à la fin, comme le nombre de tours Eiffel ou de Mont-Blanc gravis."

 Pourquoi ne pas… 

- participer aux challenges régionaux ou locaux  et communiquer autour des résultats. 

- s'inspirer de la dynamique des challenges pour lancer des défis internes tout au long de l'année.

- s'inspirer des locaux, d'événements variés, de l'actualité de l'entreprise, pour challenger et fédérer autour d'actions ludiques.

 

 

 4 | Se fixer des objectifs 

L’un des dangers des politiques de mobilités durables consiste à se fixer des objectifs trop ambitieux et donc difficilement atteignables, sources de désengagement et de découragement. "À Douai, les transports en commun sont gratuits depuis un an, ce qui est évidemment un avantage. En revanche, le manque de pistes cyclables sur l’agglomération reste un frein à l'utilisation du vélo. Pour développer progressivement cet usage, nous avons équipé l’ensemble de nos huit sites de vélos à assistance électrique. C’est un début, mais certains usages se développeront au rythme de l’évolution des infrastructures urbaines" confie le Directeur de la Mission Locale.

Chez Damartex, c’est aussi sur le vélo qu’on a parié en priorité : "Nous les avons d’abord réservé aux déplacements intersites avant d’en élargir l’utilisation pour les trajets domicile-travail. Nous avons également mis en place des aides à l’achat d’un vélo pour les salariés avec des montants plafonnés selon le type de vélo, électrique ou classique. Comme la mobilité est aussi une question de réseau, nous nous sommes ensuite rapprochés de nos voisins de Idkids pour avancer sur la question du covoiturage. Avec 170 salariés sur le site du boulevard de Fourmies, nous ne disposions pas à nous seuls de la masse critique nécessaire. La mise en place de speed dating communs nous a permis de mettre en contact nos collaborateurs respectifs pour trouver cette masse critique" explique Joséphine Biernacki

"La première règle, résume Adrien Foen, c’est de laisser le temps au temps. Il ne faut pas oublier que chaque changement joue sur la vie personnelle. Le succès d’une politique mobilité, c’est une série de petites victoires !" Quitte à faire son deuil des fausses bonnes idées, explique Adrien Foen en donnant l’exemple de l’autopartage en libre-service. "La station installée devant le restaurant universitaire a été un échec. Nous nous sommes rendu compte que ce service n’était tout simplement pas adapté aux modes de vie de nos salariés et nos étudiants". 

 Pourquoi ne pas…

- instaurer l'utilisation du vélo dans le cadre des déplacements professionnels avant d'élargir son usage aux déplacements domicile-travail.

- proposer une aide à l'achat d'équipements.

- se rapprocher d'entreprises voisines pour se lancer dans le covoiturage et multiplier les opportunités en organisant un speed-dating covoiturage.

 

 

5 | Prévoir de s’inscrire dans la durée

La réussite d’une politique mobilité se pense sur la durée, un constat que les dernières années n’ont fait que renforcer, avec une pandémie parfois venue bouleverser des habitudes tout juste prises, explique Joséphine Biernacki. "Une fois passé le temps des confinements, les choses se sont progressivement remises en place. L’épisode a même permis de renforcer certains dispositifs comme le télétravail. Pour le reste, le fait de nous être inscrits sur le temps long permet de voir les bonnes habitudes s’installer ou se réinstaller. Le parking vélo est de plus en plus rempli, les demandes d’aide au financement de deux-roues reprennent." Le fait qu’il faille constamment entretenir la flamme une fois le processus lancé est un élément majeur, souligne-t-elle : "Les deux bilans d’émissions de gaz à effets de serre conduits en 2020 et 2022 ont été deux nouvelles occasions de faire un peu de pédagogie auprès de nos collaborateurs. La fresque du climat en est une autre". Lancé en septembre 2022, l’initiative prévoit de former 30 personnes au sein des entités du groupe Damart France (magasins et siège) pour animer une série d’ateliers de sensibilisation au changement climatique.

À l’Université Catholique de Lille, Adrien Fioen confirme l’importance du temps long, des réseaux et des partenariats. "Élargir les trottoirs ou adapter la voirie près d’un campus de centre-ville comme le nôtre ne relève pas d’une décision de la Catho, d’où le travail de fond mené avec différents partenaires comme Ilévia (ex-Transpole), la Ville ou la MEL. Les choses ont évolué petit à petit avec de vrais succès. Les deux stations VLille installées devant nos bâtiments du boulevard Vauban font partie des cinq stations les plus utilisées de la métropole, un succès qui s’explique entre autres par le fait que leur emplacement a été soigneusement étudié". Et petit à petit, ça marche : "On sent le regard des étudiants changer année après année", témoigne le responsable RSE. "Ils sont de plus en plus impliqués parce qu’ils sont de plus en plus alarmés par la situation climatique". Toutes les longues marches commencent par de premiers pas... 

 

 

Pourquoi ne pas…

identifier des actions réalisables à court, moyen et long terme.

- refaire le bilan régulièrement.

 


 

Les conseils de Déclic Mobilités

 

Une démarche collaborative : assurez-vous d’identifier les acteurs en interne qui formeront un groupe de pilotage (direction, RH, service communication, collaborateurs) avant de vous lancer.

Le constat : une enquête auprès des collaborateurs vous permettra de connaître leurs habitudes de mobilité domicile-travail pour ensuite proposer un plan d’action cohérent. Faites un état des lieux des solutions de mobilité durable autour de votre site (vélo en libre-service, transports en commun, accessibilité en vélo/trottinette ou à pied, etc.).

Plan d’action : en fonction de vos objectifs, des constats et de vos moyens, élaborez un plan d’action afin de déterminer les modalités de la transition (acteurs à mobiliser, budget, planning, etc.).

Faites vivre le sujet : tout au long de l’année, communiquez, impliquez vos collaborateurs et challengez-les grâce aux temps forts régionaux (Défi covoiturage, Mai à Vélo, Challenge de la Mobilité…). L’animation récurrente est la clé pour mener à bien votre projet.

Évaluez vos actions : prenez le temps de faire des points d’étapes réguliers pour identifier les actions à poursuivre, adapter voire stopper.

Surtout ne baissez pas les bras si vos actions ne prennent pas tout de suite, la conduite du changement prend du temps ! 

 

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